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Cannes, mai 2001

 

En marge du festival, à la tombée de la nuit, Niels boit un verre dans un pub.

Il a vu un film incompréhensible et plonge son incompréhension dans une pinte.

 

Le pub est bondé, c’est l’heure de pointe.

 

Les verres n’ont pas le temps de se reposer, sitôt rincés, sitôt remplis.

Les palmiers de jets d’eau préparent l’arrivée des mousses maltées.

 

Niels observe le brouhaha et balaye les silhouettes.

Un groupe d’anglais a dressé son camp de base à côté du comptoir. 

 

Notre cinéphile du soir s’attarde sur l’un deux. 

 

Un grand corps à la silhouette un peu courbée.

Des cheveux blonds et fins.

Un visage rond et une lèvre inférieure dodue.

 

Il n’y a pas l’once d’un début de doute, c’est bien la légende de l’OM des années de légende.

Celles où Niels, débarqué à Marseille avec sa famille, scrutait de sa chambre la furie du vélodrome. 

 

C’est bien le joueur qui enchainait des dribbles virevoltants avec une nonchalance absolue. 

Qui laissait derrière lui des défenseurs étourdis et plantés dans le gazon avec leur égo.

C’est lui dont l’ignoble coupe nuque longue était imitée par tous les gamins du sud de la France.

 

Comment rencontrer un mythe sans lui infliger une énième cascade d’admiration béate ?

 

Niels a en tête les pas de danse de la légende à l’approche des surfaces de réparation.

 

Il prend son billet du festival gardé en poche et en fait une boule compacte.

Il s’approche du comptoir et profitant du champ libre se place devant la star bière en main.

Il laisse discrètement tomber la balle de papier à ses pieds.

 

- Hello !

- Yes ?

- Look here.

 

Le mythique danseur de ballon rond pose son regard sur le sol.

 

Niels tape dans la balle.

Son relief accidenté provoque une trajectoire aléatoire.

Malgré le bruit de fond du pub on distingue le crissement du papier sur le sol.   

Un zig, un zag, et la balle finit par passer entre les jambes de sa cible.

 

Niels rit, la cible aussi.

 

Il vient de faire un petit pont à Chris Waddle.  

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Le 7 avril 2018

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